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25 février 2009 3 25 /02 /février /2009 15:51



Les vrais rêves, ceux que l’on fait quand on dort, sont, croit-on, le domaine de la plus ouverte invention et fantaisie. Il y a pourtant dans nos rêves des éléments récurrents. Certains de nos rêves se répètent, au moins en partie. Et chaque âge de la vie a ainsi ses rêves favoris. En cherchant bien on finirait peut-être par trouver que l’inattendu des rêves n’est pas tellement inattendu. Mais il faudrait bien chercher…

Et puis, il y a comme une impossibilité logique que ne devrait pas pouvoir transgresser le rêve. Il paraît en effet complètement illogique qu’un rêveur endormi rêve qu’il est en train de rêver le rêve qu’il rêve. Si ce qu’il rêve est la réalité, ce n’est plus un rêve. Pourrait-il même rêver qu’il fait un rêve autre que celui qu’il rêve ?

Mais les rêveurs ne s’arrêtent pas aux impossibilités logiques. Personnellement, il m’est assez souvent arrivé de rêver et d’avoir en même temps conscience que ce que je rêvais n’était qu’un rêve. Je sais qu’il est difficile de parler de conscience éveillée pour un rêveur, mais je crois qu’entre la conscience rêvée du rêveur et la conscience du réveillé, il y a des états intermédiaires.

Le réveillé peut au plus se souvenir de son rêve, lequel en principe est alors achevé et mort. En principe seulement, car le souvenir participe lui aussi à la construction du rêve, au moins pendant un premier temps. Mais très vite il le fige. Le souvenir éveillé ne garde des rêves que ce que nous voulons bien et comme nous le voulons. Il précise ainsi leurs contours, mais ne leur permet pas de continuer à vivre et de prolonger leurs aventures.

Il existe cependant dans la durée du rêve, sans réveil véritable, la possibilité pour le dormeur de se dire qu’il dort et qu’il rêve. C’est comme un affleurement de la conscience éveillée qui n’aboutit pas vraiment. Cet affleurement se produit dans les situations de rêve qui ont une forte charge émotionnelle. Le plus souvent ce sont des situations d’angoisse. Alors la conscience éveillée monte vers la surface, mais sans la crever, sans tuer le rêve. Le rêveur peut ainsi non pas cesser de rêver, mais diriger son rêve vers un dénouement qui le rassure.
 
Le pouvoir magique qu’il obtient ainsi sur les événements de son rêve implique qu’il sait plus ou moins que ce n’est qu’un rêve. Il peut même se poser la question : « Mais ce n’est qu’un rêve ? », y répondre positivement et pourtant continuer à rêver. Il me semble que ce pouvoir de surveillance et de contrôle ne m’est venu qu’à l’âge adulte. Je me souviens ainsi d’un rêve de naufrage que j’avais su retourner sans pour autant l’interrompre. Dans mon enfance, je n’avais qu’un recours contre la terreur suscitée par un mauvais rêve : un brutal réveil dans l’épouvante.

Mais cette faculté de surveiller et de contrôler mes rêves de leur propre intérieur ne me sert pas seulement comme garde-fou contre l’épouvante. Je l’ai éprouvé récemment dans un rêve qui ne semblait pas destiné à me jeter dans la terreur, sauf à penser qu’un excès de bonheur peut être terrifiant.

Au cours de ce rêve, je me souviens m’être dit à un moment que ce n’était qu’un rêve, que ce qui se passait n’avait donc peut-être pas pour moi toute la puissance que cela semblait avoir. J’en ai déduit dans mon rêve que je pouvais revivre le rêve, ou du moins sa phase finale, car c’était dans cette phase un rêve de bonheur total. Or le bonheur total ne peut pas être vécu, il ne peut être que naissance ou mort, ce qui revient au même. Seul le rêve permet de le mimer et donc de le répéter.

Ce rêve, dès que je me suis réveillé, j’ai essayé de le saisir dans ma mémoire. Fatalement, je l’ai reconstruit. Je l’ai ainsi partagé en trois phases, qui semblent bien avoir été dans mon rêve. Mais ces trois phases n’ont pas le même statut. Les deux premières restent assez floues, surtout la première, qui me semble avoir été plus longue : de cette phase, il se peut que je ne retienne que ce que je veux et comme je le veux. La dernière phase, où est intervenu un demi-éveil de conscience, était plus nette et se prête moins à une reconstruction. J’ai aussi donné à mon rêve une localisation en conformité avec ma géographie personnelle. Sur ce point, je ne suis pas sûr qu’il ne s’agit pas d’une normalisation d’homme éveillé.

La première phase est une bataille entre un homme et un enfant. Apparemment, je suis l’homme. La bataille est telle que chacun des combattants évite soigneusement de faire mal à son adversaire. C’est une bataille avec des rires. Elle a lieu sur une colline sauvage couverte de grandes herbes. Et les deux belligérants, à force de culbuter et rouler dans l’herbe descendent la colline. Je me demande s’ils n’ont pas parfois été plus de deux.

La colline sauvage peut correspondre à certains vieux souvenirs de ma vie réelle. Mais la suite du rêve est urbaine et je l’ai localisée dans la ville où j’habite. J’ai donc très vite, au moment où je me suis réveillé et souvenu de ce rêve, identifié la colline, malgré ses grandes herbes, à une colline de ma ville. Cette colline est pourtant entièrement urbanisée. On n’y trouve pas de prairie à herbes hautes secouées par le vent.

La deuxième phase est courte. Je me trouve au pied de la colline, à un endroit qui peut correspondre à un carrefour de ma ville, près d’une place. Il y a autour de moi des hommes pleins de componction et de sagesse. Ils se taisent. Ce sont des juges, je le sais. Mais je ne les crains pas, car je les devine bienveillants.

Vient la troisième phase du rêve. Elle commence au début d’une rue, au sud de la place précédente, mais sans doute pas immédiatement au sud. Je l’identifie maintenant à une rue de ma ville dans un quartier où j’ai longtemps habité. Cette rue, qui s’enfonce donc vers le sud, est dans mon rêve longue, étroite et obscure. Elle est absolument déserte, sauf que la brise y agite des milliers de petits rectangles blancs. Ce sont des feuilles de papier sur lesquelles on peut soupçonner des écritures.

Je me tiens face à la rue. Et c’est alors que l’impensable commence. Je me sens attiré vers la rue. Et en même temps que je m’y avance, je sens que ma poitrine s’emplit comme d’un ballon gonflable, sans même que je respire, et ce ballon est un ballon de bonheur. C’est sans doute à cet instant que je me dis que ce n’est qu’un rêve. Cela se fait d’ailleurs, comme je l’ai expérimenté en d’autres occasions, en deux temps. D’abord je me pose la question et je réponds que non, ce n’est pas un rêve, que c’est ma vie. Puis j’y reviens et j’admets finalement que c’est bien un rêve.

Alors je fonce sans crainte dans mon rêve. Je m’élance en courant de toutes mes forces dans les profondeurs de la rue et en même temps de ma poitrine monte un immense cri silencieux. Je hurle de toutes mes forces et je cours. Cet épisode est d’une telle puissance d’attraction que le contrôleur tapi tout au fond du rêve se plaît à m’y ramener à plusieurs reprises.

Mais je finis par m’éveiller. Immédiatement s’opère le travail du souvenir, que je reprends le lendemain, mais les contours du rêve sont désormais dessinés. Et depuis j’y reviens de temps en temps, avec étonnement et éblouissement. C’est ce que je viens de faire par écrit pour tenter de donner à ce rêve unique la part sauvée de ses dimensions.
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