Selon l’allégorie de la caverne que Platon imagine au début du livre VII de la République, nous sommes des prisonniers ligotés à l’entrée d’une vaste caverne. Faisant face au fond de la caverne, nous sommes entravés de telle sorte que nous ne pouvons bouger, incapables de voir autre chose que le fond de la caverne. Un grand feu qui est dernière nous projette sur ce fond, comme sur un écran de cinéma, les ombres des objets que des marionnettistes transportent dernière nous. Mais il projette aussi, nécessairement, nos propres ombres, ce que d’ailleurs indique Platon.
Il est évident, nous dit-il, que pour de tels prisonniers, les ombres, qui sont tout ce qu’ils connaissent, sont les objets réels. De même, ils s’identifient eux-mêmes à leurs propres ombres. Et s’ils parlent, l’écho leur fait croire que c’est leur ombre, c’est-à-dire, pour eux, eux-mêmes, qui parle.
Mais il y a une petite difficulté que Platon semble ne pas avoir perçue. Sur l’écran du fond de la caverne les ombres bougent, elles défilent. C’est normal pour les ombres des marionnettes transportées derrière eux, et pour celles des marionnettistes. Mais leurs propres ombres devraient être comme eux immobiles. Or Platon ne parle pas d’ombres immobiles. Il ne fait pas de distinction entre les ombres.
Nous sommes donc amenés à penser que les ombres de ces êtres entravés et immobiles que nous sommes réellement sont des ombres mobiles comme les autres, ce qui est inattendu. Pourquoi donc bougent-elles ? Qui peut répondre ?
Ne nous y trompons pas, c’est une question métaphysique, une question de vie et de mort.