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1 mars 2009 7 01 /03 /mars /2009 09:27
En ce qui concerne le capitalisme, il nous faut une définition pour en juger. ACS nous en fournit deux. Selon la première : « Le capitalisme est un système économique fondé sur la propriété privée des moyens de production et d’échange, sur la liberté du marché et sur le salariat » (p. 83). Cette définition me paraît bien large. Elle donne en effet trois critères qui me semblent plus ou moins présents dans la plupart des sociétés humaines connues. Seule, la propriété privée des moyens de production et d’échange a parfois été, non totalement absente, mais fortement concurrencée dans des systèmes collectivistes ou étatistes (capitalisme d’état). Le libre marché, c’est-à-dire la loi de l’offre et de la demande, semble avoir été toujours dominant, bien qu’il y ait eu des tentatives pour l’encadrer, pour fixer autoritairement certains prix. Quant au salariat, c’est-à-dire le travail rétribué aux termes d’un contrat, il a supplanté ce qui fut longtemps son concurrent  très immoral, l’esclavage.

Il est difficile de juger de la valeur morale d’un système si peu caractérisé. Jean-Jacques Rousseau considérait la propriété privée comme fondatrice de la « société civile » et, en même temps, totalement néfaste. Mais nous ne rêvons plus à un âge d’or qui serait antérieur aux sociétés humaines. L’homme a quitté l’état de nature, et c’est tant mieux pour lui. Le problème est de savoir jusqu’où la propriété privée est conforme à un plus grand épanouissement de l’être humain. Elle semble être un acquis de l’humanité, mais ce n’est peut-être qu’étape provisoire, et en tout cas, elle ne doit pas contrecarrer l’exigence de solidarité élargie au genre humain, ce qui semble se produire souvent quand il s’agit des moyens de production et d’échange.

Quant au libre marché, il semble répondre à l’exigence de liberté dans les échanges entre les êtres humains. Mais il est parfois faussé par des ententes et peut alors devenir immoral, parce que lié à des solidarités partielles. Comme il est généralement impossible de parvenir d’emblée à une solidarité globale, il peut être utile qu’il soit encadré ou que les ententes susceptibles de le fausser soient contrebalancées par des ententes adverses. Le salariat, qui repose sur un contrat entre employeur et employé, n’est qu’un des domaines du libre marché. On y trouve les mêmes dérives et les mêmes correctifs. L’important, comme pour la propriété privée, est d’éviter les déséquilibres trop marqués, néfastes à la solidarité humaine.

Mais quand on parle de capitalisme, on parle du système qui s’est développé depuis le XIXe siècle, généralement opposé au système communiste. Le « point de vue descriptif et structural » da la définition précédente ne me semble pas suffisant pour le définir, ni pour en juger sur le plan moral. Mais ACS donne une autre définition, cette fois d’un « point de vue fonctionnel », ce qui se prête mieux au jugement moral : « Le capitalisme, c’est un système économique qui sert, avec de la richesse, à produire davantage de richesse » (p. 86). Le mot-clef ici est le mot « richesse », mais il est ambigu. S’agit-il d’un moyen (l’argent) ou d’un but (les valeurs authentiques de l’économie, c’est-à-dire ce qui améliore le sort matériel de l’humanité) ? Se donner comme but simplement l’accumulation d’argent, c’est une déviation de l’activité économique. Donc, si c’est dans le sens «  argent » qu’il faut comprendre le mot « richesse » dans cette seconde définition, le capitalisme ainsi défini est immoral. Or c’est bien le cas, puisque, dans un pays capitaliste, « l’argent va à l’argent », comme le rappelle ACS.

Ce capitalisme-là est donc immoral et perd par là en efficacité. Il l’est d’autant plus, et est donc d’autant plus inefficace, qu’il ne s’agit pas vraiment de produire de la richesse, mais surtout de la concentrer en quelques mains, ce que signifie aussi l’expression « l’argent va à l’argent ». C’est donc une activité à courte vue, dans laquelle le « capitaliste » n’a pas assez réfléchi à ce qui est son intérêt réel d’être humain, une activité qui ignore trop l’exigence de solidarité (et de solidarité aujourd’hui mondiale) pour être réellement efficace.

Bien sûr, au point où nous en sommes, on ne peut espérer que les capitalistes développent d’eux-mêmes une conscience morale qui change leur comportement. En tout cas, pas tous. La morale peut nous dire qu’un système économique est conforme à l’éthique s’il est conçu pour produire davantage de richesse authentique, sans la concentrer au profit exclusif de quelques-uns. Mais elle ne peut ni inventer ni imposer un tel système. C’est aux économistes de l’inventer, pour peu qu’ils soient sensibles aux exigences morales. Et ils le sont, comme le montre leur recours à l’expression « éthique d’entreprise », même s’il est parfois insincère.

Qu’un tel système n’existe pas aujourd’hui n’est pas pour moi une objection valable. Qu’il y ait eu des tentatives qui furent de lourds échecs, non plus. Le fiasco du communisme soviétique au XXe siècle  me rappelle le fiasco qui solda la première république française : terreur, puis autocratie napoléonienne. Pourtant, aujourd’hui le système politique de la démocratie a fait ses preuves, assez du moins pour être jugé préférable à l’autocratie monarchique. Ce qui ne veut pas dire qu’il est parfait. On peut imaginer que, de la même façon, des systèmes économiques non capitalistes (au sens de la deuxième définition) seront un jour mis en place, et se révèleront moralement préférables au système capitaliste, et donc plus efficaces, sans atteindre la perfection pour autant. Je ne suis pas de ceux qui, comme ACS, considèrent comme définitivement exclue toute nouvelle expérience de type peu ou prou communiste. Il y a aussi divers essais d’économie sociale ou alter-mondialiste. La gloire de l’avenir, c’est qu’il est incertain. On ne sait pas ce que l’homme peut encore inventer…
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