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13 mars 2009 5 13 /03 /mars /2009 11:13

Si le rêveur qui écrivit la Genèse vivait aujourd’hui, il aurait pu s’exprimer à peu près comme dans l'article "Big-bang avec souffleur". Mais je doute que cette variante puisse obtenir l’approbation de beaucoup des disciples de la Bible même aujourd’hui. Seulement de ceux qui voudraient, devant la désuétude de leur livre, sauver au moins leur Dieu transcendantal et créateur. En outre, ce récit, malgré son effort d’aggiornamento, n’a, semble-t-il, aucune chance de satisfaire ceux dont il essaie de s’inspirer, les astrologues d’aujourd’hui, ceux qui se font nommer astrophysiciens, et qui comme les anciens astrologues nous en content  (comptent ?) de bonnes.
Eux n’ont pas besoin de l’hypothèse du souffleur et s’en passent très bien en décrivant le tohu-bohu intérieur à la bulle naissante si intense et si chaud qu’il provoque de lui-même l’expansion big-bang. D’ailleurs, la question de son avant est à leurs yeux une mauvaise question, car il n’y a pour eux pas d’avant (je ne parle que de ceux qui sont sérieux).
Bien sûr, un esprit rétif pourra toujours se demander d’où vient ce tohu-bohu, mais répondre par un souffleur transcendantal ne fait que repousser le problème : d’où viendrait-il cet enfumeur ? Pour ceux qui s’accrochent aux mots, on peut toujours appeler « Dieu » le tohu-bohu initial et tout ce qui s’ensuit. Mais c’est faire entrer « Dieu » dans l’immanence et par là lui ôter tout attribut distinctif autre que Totalité : beaucoup y rechigneraient.
Mais là où le discours de nos astrologues se complique et nous demande un sérieux effort pour que nous les suivions, c’est quand ils prétendent se passer aussi de l’espace du Néant où grandit la bulle cosmique (et donc aussi de la membrane de salive). Hors de la bulle, il n’y a pas d’espace. C’est à l’intérieur de la bulle, à mesure qu’elle gonfle, que se crée l’espace, comme le temps d’ailleurs. Mais alors, dans quoi grandit-elle cette bulle, si ce n’est pas dans un espace ?

Il paraît que pour résoudre ce paradoxe, il faut abandonner notre vision euclidienne d’un espace infini à trois dimensions. Cela ne m’est personnellement possible qu’en descendant d’un cran dans le nombre de dimensions et en raisonnant ensuite par analogie. Nous sommes en effet dotés d’une vision frontale binoculaire qui nous permet d’imaginer la projection d’un espace à trois dimensions sur un espace à deux dimensions.
Je peux ainsi tracer un cercle sur une feuille de papier, c’est-à-dire dessiner un disque plat, et cependant y voir un ballon. Si je trace deux perpendiculaires, une verticale et une horizontale, passant par le centre de ce disque, elles figurent les deux dimensions de ma feuille de papier, hauteur et largeur. Mais si je trace une oblique à ces deux perpendiculaires qui passe aussi par le centre, elle peut être imaginée comme une troisième perpendiculaire. On crée ainsi une profondeur imaginaire, une troisième dimension en perspective.
Imaginons à présent que le disque plat ainsi dessiné sur la feuille représente en perspective la bulle cosmique qui gonfle après le big-bang. Nous serions un jour dedans parmi les galaxies, mais on ne sait où, ce qui est bien frustrant. Ce disque grandirait dans la feuille, et c’est ce dont nos astrologues ne veulent pas, car cela voudrait dire que la bulle grandit dans un espace préexistant. Pour éviter une telle représentation, il n’y a qu’une solution. Il faut imaginer que tout diamètre AB du disque ne se prolonge pas dans la feuille au-delà du disque : ce n’est possible que si A coïncide avec B.
Alors découpons notre disque, ôtons la feuille de papier qui l’entoure, pour supprimer l’espace extérieur. Imaginons ce disque infiniment extensible et élastique. Faisons en sorte que tout diamètre AB se referme sur lui-même en le retroussant, c’est-à-dire en ramenant tout point A en B. Ce qui était un segment de ligne droite devient un cercle, et ainsi de suite. Tant et tant que le disque, qui était plat, finit par devenir la surface d’une sphère.
Nous avions imaginé une bulle à trois dimensions là où il y avait en fait un disque à deux dimensions. Mais ce disque est maintenant devenu surface de bulle. Nous voici donc dans un espace tridimensionnel censé représenter un espace à quatre dimensions. Notre univers à trois dimensions n’est plus représenté par la surface d’un disque. Il l’est par la surface extérieure d’une bulle. Cette surface grandit en même temps que la bulle. Mais comme elle est fermée, elle ne grandit plus dans une autre surface, elle grandit en elle-même. Il faudrait donc concevoir de même notre espace à trois dimensions comme fermé sur lui-même et grandissant en lui-même.

INTERPOLONS

Cela devient compliqué. Pour essayer d’y voir plus clair, perdons à nouveau en imagination une dimension. Sur ma feuille de papier, représentons désormais l’univers (qui est à trois dimensions) par la circonférence d’un disque, circonférence où l’on peut imaginer la surface d’une bulle. Une circonférence est une ligne, c’est-à-dire un espace à une dimension. Sur cette circonférence il y a un point (ou un tout petit segment), qui correspond au point ou le diamètre AB devenu circonférence se referme. C’est le point du big-bang. La circonférence étant fermée, elle grandit en elle-même à mesure que le disque grandit. Pour représenter l’univers, je viens de substituer la circonférence d’un cercle à la surface d’une bulle.
Mais alors qu’est-ce qu’il y a maintenant à l’intérieur du disque, si l’univers n’en est plus que la circonférence ? Il y a tous les cercles plus petits qui étaient l’univers à des instants antérieurs, tous refermés sur le point (ou petit segment) AB. Tous ces cercles sont donc tangents au point AB. Le plus petit d’entre eux est d’ailleurs le point AB, c’est le point du big-bang. Mettons ce point par convention tout en bas du plus grand cercle, celui qui correspond à l’univers actuel. Le diamètre vertical qui monte de ce point inférieur AB rejoint la circonférence en un point supérieur C. Ce point C, c’est nous aujourd’hui, à l’antipode du big-bang. Et l’axe qui va de AB à C est l’axe du temps, c’est-à-dire la quatrième dimension dont est désormais doté l’univers.
En revenant à une dimension de plus dans notre représentation imaginaire, nous pouvons nous représenter nous-mêmes tout en haut d’une bulle dont la surface extérieure est notre univers, espace figuré en deux dimensions, mais qui est en fait à trois, et qui s’inscrit lui-même dans un espace figuré à trois dimensions, qui est en fait à quatre dimensions. N’est donc contemporain dans cet univers recourbé que ce qui est proche de nous. Plus un objet de cet univers est loin de nous dans l’espace, plus il est loin dans le temps.

Il n’y a donc pas d’univers entièrement contemporain. L’univers contemporain apparent prend sa source au big-bang et le contient. La voûte du fond du ciel, qui nous paraît immense, date paraît-il du moment où l’univers avait environ trois cent mille ans. À ce moment-là, il devait être fort petit : il faut donc imaginer que nos regards tous azimuts, après avoir divergé, se mettent à converger selon la courbure de l’espace. Les étoiles ou galaxies qu’on peut voir dans les télescopes appartiennent à un passé de plusieurs centaines ou milliards d’années.
Parfois un astrologue d’aujourd’hui nous dit que maintenant elles ont peut-être disparu. C’est surprenant à première vue. Car par définition nous sommes les seuls à exister maintenant, à nous prélasser au sommet temporel de notre univers spatio-temporel, à l’antipode du big-bang. C’est pourquoi, un astronaute qui s’enfuirait de la terre à toute allure vieillirait moins vite que nous, car il descendrait sur la pente de la courbure de cet univers spatio-temporel. Mais s’il revient, il devra faire des bouchées doubles. Donc ces lointaines galaxies ne peuvent, de toute façon, appartenir à notre présent. Elles sont très loin sur la pente.
Alors, que signifierait pour elles une disparition ? Raisonnons à partir de notre figure à deux dimensions. Les étoiles lointaines ont appartenu à un univers beaucoup plus petit que l’actuel (sur la figure, c’est un cercle à l’intérieur de notre grand cercle, tangent au point big-bang). Elles ont émis une lumière qui s’est mise à voyager dans les univers successifs et grossissants, jusqu’à parvenir jusqu’à nous. Mais entre temps, la source de cette lumière a pu se maintenir ou disparaître. Ce qui veut dire que nous ne sommes pas sûrs que l’étoile existe toujours dans le passé de l’espace-temps tel qu’il est développé actuellement.
Ce qui veut dire aussi que ce que nous voyons dans le ciel n’est de toute façon pas l’espace-temps dans son développement actuel, qui nous est inaccessible (sauf peut-être par l’attraction universelle ?). Ce que nous voyons résulte des innombrables réfractions dans une sorte de mille-feuilles, dont les feuilles seraient à trois dimensions et, de plus, courbes, c’est-à-dire les innombrables strates successives des univers spatiaux précédents. Plus nous regardons loin, plus périmé est l’univers que nous voyons.
Ainsi l’univers apparent ne nous serait contemporain que pour sa partie sommitale, la plus proche de nous et de notre présent. Bien plus, ses parties lointaines n’offrent aucune garantie d’exister dans les zones de son extension actuelle qui plongent dans le passé. Ce que nous voyons n’est peut-être que réfractions issues d’univers anciens de moindre extension.
Mais nous-mêmes avons un passé. Dans l’univers que représente la bulle dans son extension actuelle, nous ne sommes pas seulement au sommet de sa surface, mais aussi dedans, c’est-à-dire aux sommets successifs des bulles précédentes qui étaient de moindre extension. Mais là aucune réfraction n’est possible pour nous faire voir ce passé révolu, parce qu’il est sur le diamètre de la bulle qui monte du big-bang jusqu’à nous. Nous n’en avons qu’un très pâle reflet qu’on appelle mémoire. C’est néanmoins suffisant pour nous inciter à ne plus nous réduire à l’être de surface, à trois dimensions et mortel (c’est-à-dire condamné à disparaître), que nous croyons être. Dans l’univers que j’ai imaginé ici en interpolant à partir des dires de nos astrologues, nous sommes nous aussi à quatre dimensions. Nous sommes déployés par le temps, non plus emportés par lui. Quand l’être de surface aura disparu, nous demeurerons à l’intérieur de l’univers, comme les pépins qui s’agglomèrent sur l’axe central d’un fruit. Et dans un fruit, seuls les pépins peuvent savoir ce qu’est un fruit.
 
  MAIS CE N’EST PAS TOUT

Mais nous ne sommes pas au bout de nos peines. Nos astrologues d’aujourd’hui essaient d’imaginer, comme il se doit, l’avenir de notre univers. Ils prévoient trois scénarios possibles selon l’importance des grumeaux répandus dans l’univers. Attention, les grumeaux ne sont plus dans la bulle mais sur sa paroi extérieure. Mais qu’est-ce qu’un grumeau sur une surface ? Est-ce seulement une tache, ou est-ce un relief ? Si c’est un relief, c’est embêtant, car alors mon univers à deux dimensions (une surface pour les besoins de notre imaginaire) n’est plus à deux dimensions, mais à trois. Qu’est-ce que c’est que cette nouvelle dimension ? Pour éviter que ce soit une nouvelle  dimension, la seule solution est d'y voir un effet de la dimension temporelle.
Selon nos astrologues en effet, les grumeaux opposent une résistance à l’expansion. Comme si sur la surface universelle de la bulle (qui est en fait un espace à trois dimensions, et courbe), certaines portions plus denses, peut-être plus épaisses, étaient moins élastiques et tendaient même à se contracter. Ou bien imaginons que chaque grumeau soit un farceur qui pince la surface qui s’étire et qui tire perpendiculairement à elle, avec une force proportionnelle à la masse du grumeau (vers le bas, ce qui ralentit le temps). Cela s’appelle depuis Newton l’attraction universelle, et, depuis Einstein, la théorie de la relativité générale tend en effet assimiler cette force à un effet de relief.
Donc nos astrologues calculent (comptent, content ?) qu’à partir d’une certaine masse totale de grumeaux (ou de reliefs), leur force de résistance peut arrêter l’expansion et même, si vraiment elle l’emporte, l’inverser en contraction. S’il n’y a pas assez de grumeaux, la bulle va continuer à gonfler infiniment (le soupir de Dieu serait alors sans fin). S’il y a juste assez de grumeaux pour l’arrêter, l’univers deviendra immobile (alors Dieu admirerait sa bulle et ne s’ennuierait plus). S’il y a trop de grumeaux, la bulle va non seulement cesser de gonfler, mais se mettre à se contracter jusqu’à disparaître (Big-crunch, Dieu n’aurait plus qu’à recommencer, à moins qu’il se soit entre temps endormi pour de bon).
Pour l’instant, il y a, paraît-il, un gros déficit de la matière qui constitue les grumeaux, du moins de matière connue. Mais la première possibilité ne semble pas plaire beaucoup à nos astrologues, qui ont donc inventé l’idée, pour obtenir la deuxième possibilité, laquelle semble avoir leurs préférences, d’une matière inconnue, invisible, sombre.
Pour expliquer les trois possibilités et essayer de les faire voir, nos astrologues nés de la relativité générale nous disent en outre que, dans le premier cas, l’univers a une courbure ouverte, que, dans le second cas, il est plat, et que, dans le troisième cas, il a une courbure fermée, comme une sphère. Voilà qui dérange tous mes efforts précédents pour me donner une représentation acceptable de l’univers qui m’héberge. En lui ôtant fictivement une dimension, j’étais arrivé à me le représenter comme une jolie bulle en lui donnant une courbure temporelle fermée sur le big-bang. Et voici qu’il pourrait être plat, ou bien même creux comme l’intérieur d’une soupière sans bord!

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